La fête des voisins n’est pas pour demain
Un tiers n’est recevable à former un recours contre un permis de construire que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter la jouissance de son bien.
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L’histoire
Marc, qui développait une importante oliveraie dans la Drôme provençale, avait décidé de transformer un ancien bâtiment agricole inutilisé en maison d’habitation. Il avait obtenu du maire un permis de construire autorisant la transformation. Mais son voisin, Jean, avait vu d’un mauvais œil cette opération, qui modifiait le voisinage et le paysage. Aussi avait-il demandé au tribunal administratif l’annulation pour excès de pouvoir du permis et, en référé, la suspension du permis et l’arrêt des travaux.
Le contentieux
Devant le juge des référés, Jean avait invoqué l’article L521-1 du code de justice administrative. Ce texte précise que le juge peut suspendre l’exécution d’une décision administrative lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Or, si Marc poursuivait les travaux, il en résulterait un préjudice irréparable pour Jean. Il y avait donc urgence à les arrêter selon ce dernier. En outre, le permis était entaché de nombreuses irrégularités de nature à justifier son annulation par le juge du fond. Aussi, sa suspension devait dès lors s’imposer.
Le maire qui n’acceptait pas d’être ainsi déjugé, avait soulevé l’irrecevabilité de la demande de Jean, faute d’intérêt à agir. Ce dernier ne démontrait pas, selon l’élu, que la future construction édifiée par Marc serait susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation de sa maison et d’occasionner des troubles de voisinage. Le juge des référés n’avait pas été convaincu. Jean justifiait selon lui d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation du permis de construire. En effet, sa maison, située dans un secteur demeuré à l’état naturel, était distante seulement d’environ 200 mètres de celle dont la construction était autorisée, et les boisements présents sur les terrains ne suffisaient pas à occulter toute vue et tout bruit. Le juge avait donc ordonné la suspension du permis.
N’abandonnant pas l’affaire, le maire s’était pourvu en cassation devant le Conseil d’État en se basant sur l’article L600-1-2 du code de l’urbanisme. Selon ce texte, le requérant, qui saisit le juge administratif d’un recours tendant à l’annulation d’un permis de construire, doit, pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, préciser les éléments de nature à établir que l’atteinte qu’il invoque est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation de son bien.
Le Conseil d’État a fait droit au recours du maire. Les éléments retenus par le juge des référés, tirés de la distance séparant la future construction de la maison de Jean et du risque de troubles de voisinage, n’étaient pas à eux seuls de nature à établir une atteinte directe aux conditions d’occupation de son bien par ce dernier. Le juge des référés avait alors commis une erreur de droit, justifiant la censure de son ordonnance.
L’épilogue
Son recours en référé ayant été rejeté, Jean devra assister à l’édification par Marc de sa maison, dans l’attente du jugement du tribunal administratif saisi de la légalité du permis de construire. Celui-ci n’interviendra pas avant dix-huit mois. Il y a tout lieu de penser que la maison de Marc sera terminée lorsque cela arrivera. Mais alors qu’en sera-t-il, si le permis est, en définitive, annulé ? Ceci est une tout autre histoire.
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